Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
PHARAMSTER Un regard officinal indépendant sur les médicaments

CAS D'OFFICINE ASSCIATION ALFUZOSINE (XATRAL®) & OXYBUTYNINE (DITROPAN®)

1 Avril 2016 , Rédigé par Amster

Cas d’officine

ASSCIATION ALFUZOSINE (XATRAL®)

& OXYBUTYNINE (DITROPAN®)

 

Note importante pour les patients : cet article est une discussion professionnelle, ne pas changer ni arrêter votre traitement sans l’avis de votre médecin, ce dernier connaît parfaitement votre cas. Par ailleurs les données scientifiques sont en perpétuelle évolution, il se peut que votre médecin traitant puisse se baser sur des données dont nous ne disposons pas

Ne jamais se fier à Internet pour prendre des décisions médicales ou thérapeutiques, les risques d’erreurs sont énormes avec de sérieuses conséquences pour votre santé. PHARAMSTER

 

       Un de nos lecteurs, pharmacien de son état, nous a confié qu’il a reçu à 2 reprises une ordonnance associant XATRAL®  et DITROPAN®. Suspectant une anguille sous roche, il nous a donc demandé de la décortiquer pour avoir le fin mot de l’histoire.

Détails de circonstance :

- Médecin prescripteur : secteur public, privé  (indéterminé) 

- Ordonnance :

1/ XATRAL LP 10 : 1cp/j pendant 1mois
2/ DITROPAN cp: 1 cp le soir.

Posons le problème :

     Le XATRAL®, DCI  alfusozine, est un antagoniste adrénergique alpha (ou alpha bloquant). Le DITROPAN®, DCI oxybutynine, est un antagoniste cholinergique (ou atropinique). Le 1er trouve son indication dans l’hypertrophie bénigne de la prostate (ou adénome prostatique), le second  est proposé dans le traitement de l'incontinence urinaire de l'adulte et  certaines énurésies de l’enfant.

     Question : y-a-t-il une interférence entre l’action de l’un et de l’autre ? Cette question pour un officinal mérite d’être posée. En terme profane, dans cette ordonnance ,2 molécules sont associées : (alfuzosine) qui facilite l’écoulement des urines et (oxybutynine) qui tend à réduire les fuites urinaires.    

Rappelons d’abord afin d’installer le décor que :   

        -  L’adénome de la prostate, phénomène physiologique lié au vieillissement, se manifeste par une prolifération localisée de cellules prostatiques. Selon son volume et sa proximité de l’urètre, l’adénome prostatique obstrue plus ou moins l’urètre et comprime le reste de la glande. Il en résulte des troubles mictionnels à type de : besoins rapprochés d’uriner, surtout la nuit, sensation de vessie incomplètement vidée, interruptions du jet d’urine, difficultés à se retenir d’uriner, diminution de la force du jet.

         - Incontinence urinaire : il en existe plusieurs types, mais quelque soit la cause (insuffisance du sphincter urétral ou contraction inopinée du muscle de la vessie ou autres..) toujours est-il, le patient se trouve dans l’impossibilité de retenir son urine.

 

Analyse :

    Notre analyse se basera sur un comparatif entre les pharmacodynamies et effets secondaires des deux molécules. 

CAS D'OFFICINE ASSCIATION ALFUZOSINE (XATRAL®) & OXYBUTYNINE (DITROPAN®)
PHARMACODYNAMIE DE L’ALFUZOCINE :

        La pharmacodynamie  de l’alfuzosine a été traitée sur ce blog dans un article daté du 18 avril 2010, intitulé : «  Analyse comparative afluzosine vs doxazocine ».  Rappel :

- L'alfuzosine est un dérivé de la quinazoline, actif par voie orale. C’est un antagoniste sélectif des récepteurs α -1 adrénergiques post-synaptiques.

Selon pharmacorama, les α-1 bloquants facilitent l'évacuation de la vessie en réduisant la constriction au niveau du trigone.

- La sélectivité de l'alfuzosine est démontée pour les récepteurs α-1 adrénergiques situés au niveau de la prostate, du trigone vésical et de l'urètre

- Les alpha bloquants, par une action directe sur le muscle lisse du tissu prostatique, diminuent l'obstruction infra-vésicale. Ils diminuent aussi la pression urétrale et donc la résistance au flux urinaire lors de la miction.

- Elle est indiquée donc dans le traitement des symptômes fonctionnels de l'hypertrophie bénigne de la prostate ainsi que  comme traitement adjuvant au sondage vésical dans la rétention aiguë d'urine liée à l'hypertrophie bénigne de la prostate.

Effets secondaires les plus fréquents : Etourdissement, sensations vertigineuses, malaises, céphalées, tachycardie, palpitations, hypotension orthostatique.

NB : Le RCP étonnamment ne rapporte pas d’effets indésirables au niveau de  l’appareil urinaire.     

 

PHARMACODYNAMIE DE L’OXYBUTYNINE  :

     L'oxybutynine est un antispasmodique de type anticholinergique. Elle diminue la contractilité du détrusor (muscle lisse situé dans la paroi de la vessie), l'amplitude et la fréquence des contractions vésicales ainsi que la pression intravésicale

Les effets secondaires mentionnés par  le RCP du DITROPAN® :  « Affections du rein et des voies urinaires : Fréquent : rétention urinaire » (c’est l’effet recherché, en fait on devrait parler de rétention urinaire invalidante).

 

Si on se base uniquement sur les données des RCP du XATRAL® et du DITROPAN®, on constate qu’il n’y a pas d’interaction formelle entre l’afluzocine et l’oxybutynine. En clair, le médecin a légalement le droit de les associer. Cependant …. !     

En consultant le guide des interactions médicamenteuses Prescrire 2016, on découvre que des  médicaments peuvent aggraver l’une ou l’autre de ces situations : adénome de la prostate et incontinence urinaire.

En effet, l’incontinence urinaire peut être aggravée par, entre autres, les alphabloquants qui provoquent un relâchement de divers muscles lisses dont le sphincter urinaire.

D’un autre côté, les anticholinergiques, de manière générale, de par leur effet atropinique à type de rétention d’urine peuvent accentuer les troubles liés à un adénome prostatique. (Et uniquement les symptômes et non pas l’adénome lui-même bien sûr)

Physiopathologie : Entre « incontinence urinaire » et « impériosité mictionnelle »

      Selon le LAROUSSE : L’incontinence urinaire : ne doit être confondue ni avec l'énurésie (perte involontaire d'urine pendant le sommeil) ni avec l'impériosité mictionnelle (miction involontaire lors d'une envie d'uriner trop pressante). L'incontinence urinaire elle-même présente deux formes : elle peut être permanente ou ne survenir qu'à l'effort »

Le même site ne cite pas l’incontinence urinaire comme symptôme de l’adénome de la prostate, mais la cite dans l’article consacré au cancer de la prostate comme effet secondaire de l’ablation de la prostate.

En effet, les fuites urinaires constatées (dans 1% des cas) après l'intervention sont associées au retrait total de la glande prostatique. Cette dernière étant située juste au dessus du sphincter qui retient l'urine, il peut arriver que le chirurgien n'arrive pas à le préserver. Selon l'état du sphincter, l'incontinence sera nulle, partielle ou totale.

 

Théoriquement, l’association alfuzocine – oxybutynine, chez un patient  ayant un adénome de la prostate, peut favoriser ou provoquer une rétention urinaire qui s’additionnera aux troubles mictionnels liés à l’adénome de la prostate et vice versa, un patient souffrant d’incontinence urinaire verra son mal non guéri par relâchement du sphincter urinaire.  Sauf erreur de notre part, nous ne comprenons pas exactement la logique d’une telle association ; s’agit-il d’un adénome de la prostate associé à une incontinence urinaire ? Nos amis médecins peuvent-ils nous éclairer sur ce sujet ?

 

Conclusion :

     Visiblement, cette ordonnance pose le problème suivant : l’adénome de la prostate (indication de l’alfuzocine - XATRAL® ) provoque des difficultés mictionnelles avec parfois des fuites urinaires qui marquent une impériosité mictionnelle. Cette dernière ne doit pas être confondue, comme le dit LAROUSSE, avec l’incontinence urinaire (indication de l’oxybutinine DITROPAN®).

     Au final, légalement une telle ordonnance doit être honorée car les RCP des deux spécialités ne mentionnent pas d’interaction médicamenteuse formelle. Ceci étant dit … il serait plus sage d’en discuter avec le médecin traitant si ce dernier est réceptif au dialogue officinal-médecin (sinon,  il vous dira de quoi vous vous mêlez ? gardez votre caisse et laissez moi faire mon travail).

Par ailleurs, si la prescription émane d’un service hospitalier hyperspécialisé il se peut qu’il se base sur des données dont nous ne disposons pas !            
Nous espérons avoir répondu du mieux que nous avons pu à la question posée par notre confrère que nous remercions vivement d’ailleurs, de nous avoir donné cette occasion pour remuer nos méninges.

*************************************************************************************************************************

ANNEXES

*************************************************************************************************************************

Annexe I : Définition de l’incontinence urinaire selon Le Guide Prescrire Des Interactions 2016 Page 555 :

L’incontinence d’urine est une perte d’urine involontaire. Les patients sont parfois très gênés dans leur vie quotidienne.

Les principaux types d’incontinence d’urine sont :

    – l’incontinence d’effort, qui est liée à une insuffisance du sphincter urétral. Elle survient en cas d’hyperpression abdominale, en cas d’effort physique, de toux, d’éternuement, etc. ;

    – l’incontinence par impériosité, qui est liée à une contraction inopinée du muscle détrusor de la vessie sans symptôme annonciateur et que le patient ne peut réprimer. C’est la forme d’incontinence la plus fréquente chez les patients âgés. Sa cause est en général inconnue. Elle survient parfois dans le cadre d’une maladie neurologique et on parle alors d’hyperréflexie du détrusor ;

   – des incontinences mixtes, avec association des circonstances de survenue des mictions involontaires ;

   – les mictions par regorgement, conséquence des rétentions d’urine ;

   – l’incontinence conséquence de troubles des fonctions mentales, les démences par exemple 

    les incontinences urinaires fonctionnelles liées à des difficultés de se rendre seul aux toilettes (troubles de la marche, handicap, troubles neuropsychiques tels que somnolence ou dépression) ou à une augmentation du volume des urines (apports excessifs de liquide, prise de diurétiques, le diabète insipide).

Le traitement dépend du type d’incontinence et de sa cause.

Le traitement des incontinences d’effort repose sur des techniques locales non invasives ; la rééducation des muscles pelviens constitue le premier choix. L’option chirurgicale est à réserver dans un deuxième temps. Il n’y a pas de place pour les médicaments.

La duloxétine proposée pour les patientes ayant une incontinence d’effort a une efficacité symptomatique incertaine mais des effets indésirables établis et parfois graves.

Pour les patients qui ont une incontinence par impériosité, les médicaments atropiniques ont une efficacité symptomatique modeste et exposent à des effets indésirables parfois graves.

L’oxybutynine, partage le même profil d'effets indésirables mais n’est pas connue pour exposer à un allongement de l’intervalle QT de l’électro -cardiogramme.

Le mirabégron a une efficacité au mieux mineure et pas supérieure à celle des atropiniques dans l’incontinence par impériosité, et des effets indésirables parfois graves.

 

Annexe II : Des médicaments causent ou aggravent les incontinences d’urine selon Le Guide Prescrire Des Interactions 2016 Page 556 :

Les médicaments qui causent ou aggravent une incontinence urinaire, sont principalement :

– des psychotropes ayant des effets sédatifs tels que les benzodiazépines. D’autres ont en plus des effets alphabloquants modérés : les neuroleptiques, notamment la clozapine, l’olanzapine, la quétiapine, la rispéridone, l’indoramine ; les antidépresseurs imipraminiques ;

– les anticholinestérasiques qui sont des parasympathomimétiques, exposent à des incontinences urinaires par contraction du détrusor et relaxation du sphincter vésical : le donépézil, la galantamine, la rivastigmine ;

– les médicaments aux effets alphabloquants qui provoquent un relâchement de divers muscles lisses, y compris le sphincter urinaire, notamment : ceux utilisés pour réduire les symptômes liés à une hypertrophie bénigne de la prostate, l’alfuzosine, la doxazosine, la silodosine, la tamsulosine, la térazosine ; ceux utilisés pour leurs effets vasodilatateurs : la prazosine, l’urapidil et le moxisylyte ;

– un sympathomimétique agoniste des récepteurs bêta3-adrénergiques dans l’incontinence urinaire par relaxation de la vessie : le mirabégron ;

– des antihypertenseurs centraux : la clonidine, la moxonidine ;

– les estroprogestatifs et les estrogènes non associés utilisés pour le traitement hormonal substitutif de la méno Et aussi :

– le sildénafil, le métoclopramide, la clonidine, la moxonidine, les diurétiques, le baclofène, le dantrolène, l’oxybate de sodium, l’acide valproïque, la néostigmine, la pilocarpine, la goséréline, le bortézomib, le témozolomide, le bélatacept, la toxine botulique, etc. ;

– les médicaments qui entraînent ou aggravent des rétentions urinaires. Ils exposent à des incontinences par regorgement.

 

Annexe III : Le traitement médicamenteux des incontinences urinaires et fécales du sujet âgé 

Source : Un ficher PDF remarquable de 22 pages du C.E.R.I.M.E.S, intitulé : « Incontinence urinaire et fécale du sujet âgé » Pages 14 (URL : http://campus.cerimes.fr/geriatrie/enseignement/geriatrie10/site/html/cours.pdf)

- Les anticholinergiques (oxybutinine, imipramine) inhibent les contractions vésicales et

sont donc indiqués dans l’urgence mictionnelle. Ils sont contre-indiqués en cas de troubles

cognitifs qu’ils peuvent déclencher ou aggraver, de glaucome à angle fermé et d’obstacle

cervico-prostatique patent ou latent où ils peuvent entraîner une rétention vésicale aiguë.

Leur prescription :

1) se fait à dose progressive avec une surveillance étroite particulièrement dans les premiers

jours du traitement,

2) doit être reconsidérée après 3 semaines de traitement où ils seront interrompus en

l’absence d’efficacité objectivée par la grille mictionnelle.

- Les cholinergiques (prostigmine) améliorent la contraction du détrusor et sont indiqués

dans les atonies vésicales.

- Les antagonistes alpha-adrénergiques (tamsulosine, alfuzosine) inhibent le tonus

sphinctérien alpha. Chez l’homme, ils sont proposés en cas d’hypertonie urétrale associée

à un adénome prostatique. Chez la femme ils améliorent une dissynergie

vésicosphinctérienne. Ces médicaments alpha-bloquants, souvent potentialisés par

d’autres médicaments antihypertenseurs, malgré leur sélectivité, exposent les malades au

risque d’hypotension orthostatique et donc de chute.

- Les traitements hormonaux substitutifs d’application locale sont utilisés pour traiter la

trophicité urétrale et la musculature du plancher pelvien.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Merci dr pour le sujet et pr votre analyse bien fondé. C'est moi qui a posé la question, et veuillez me pardonner pr le retard.<br /> Ce jours je vous presente un nouvel cas d une patiente de 48 ans sous :<br /> sintrom4 a la dose de 1/2 - 1/2 -1/2 <br /> Aldactazine 1cp/ jrs<br /> furilan 1cp /jrs<br /> INR :1,45<br /> Tout allez bien chez elle jusqu' a hier quand elle a pris ''pas mal" de cerises bigarreau حب لملوك..et juste apres un epistaxis intense!!<br /> Une ptite recherche sur wikipedia sur la composition de ce dernier j trouve entre autre de l acide 3p coumarylquinine et l acide 4p coumaryl quinine..et je me demande est ce l'agent responsable de l effet AAP associer au sintrome?<br /> En attendant votre analyse "3wacherkom mabroka " merci
Répondre
A
traitements médicaux ayant fait la preuve de leur efficacité dans l’hyperplasie bénigne de prostate<br /> Anticholinergiques<br /> Les anticholinergiques agissent en bloquant l’action de l’acétylcholine au niveau des récepteurs muscariniques des cellules musculaires lisses vésicales. Ils agissent également au niveau d’autres récepteurs muscariniques situés sur les cellules épithéliales salivaires, les cellules urothéliales vésicales et les cellules du système nerveux central et périphérique. Cette classe thérapeutique est habituellement contre-indiquée dans l’HBP en raison d’un risque théorique d’aggravation de la dysurie par diminution de la contractilité vésicale.<br /> Plusieurs études ont montré que l’utilisation d’anticholinergiques en monothérapie chez des patients présentant des symptômes urinaires de stockage permettait une amélioration de la symptomatologie urinaire sans aggravation significative du résidu post-mictionnel ni du risque de rétention urinaire [25,26]. Une étude contrôlée randomisée, l’étude TIMES, a mis en évidence une réduction de la symptomatologie urinaire dans 80 % des cas par une association de tolterodine et de tamsulosine contre 60 % sous placebo après seulement 12semaines de traitement [26]. Dans cette même étude, l’association avec l’alpha-bloquant était plus efficace que la tolterodine seule. De même, l’association d’oxybutynine et de tamsulosine semblait plus efficace que la tamsulosine seule [27].<br /> Dans toutes ces études, le résidu post-mictionnel et le risque de rétention urinaire n’étaient pas augmentés de manière significative par la prescription d’anticholinergique. Néanmoins, il reste plus raisonnable de ne pas utiliser ces médicaments en cas d’obstruction prostatique et de dysurie manifestes.
Répondre
A
Merci pour ces ihttp://urofrance.org/nc/science-et-recherche/base-bibliographique/article/html/traitement-medical-de-lhyperplasie-benigne-de-la-prostate-revue-de-litterature-par-le-ctmh.html nformations qu'on savait pas, merci aussi pour le lien