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PHARAMSTER Un regard officinal indépendant sur les médicaments

JEÛNER : UN MOYEN DE LUTTE CONTRE LE CANCER !

16 Août 2012 , Rédigé par Amster Publié dans #LECTURE OFFICINALE

LECTURE OFFICINALE

 JEÛNER

UN MOYEN DE LUTTE CONTRE LE CANCER !

 

Le Jeûne et cancer 

Sources principales : 

1- Longo VD* et al. «Fasting cycles retard growth of tumors and sensitize a range of cancer cell types to chemotherapy. » Sci Transl Med. 2012 Mar 7;4(124):124ra27. Epub 2012 Feb 8.

* Andrus Gerontology Center, Département des sciences biologiques, Norris Cancer Center, Université de Californie du Sud.

2- Odile Capronnier « Le jeûne est une arme contre le cancer » Science & vie, n°1137, pages 88-91, juin 2012

3- Btissam ZEJLY « Ramadan propice à la hausse des dépenses » L’Economiste n°3842 p14 du 07/08/12.

 

        Cette lecture officinale se base sur le travail d’une équipe de l’université Southern California. Menée par Valter Longo, cette équipe s’intéressait à la base à l'allongement de l'espérance de vie « elle testait l'hypothèse qu'une restriction calorique contrecarre certains effets du vieillissement. En réduisant l'apport en nourriture sur de longues périodes, voire tout au long de la vie, chez différents animaux (drosophile, souris, singe...) l’équipe Valter Longo découvre alors qu'une privation, brève mais totale, de nourriture a aussi un effet sur les cellules... mais qu'il n'est pas le même selon leur type. Ainsi, les cellules cancéreuses semblent plus sensibles que les autres au jeûne»[2]

Méthode :

Les chercheurs ont utilisé un modèle à base :  

        - Des cellules de Saccharomyces cerevisiae génétiquement modifiées exprimant le RAS2 oncogène-like (val19) sensible au stress oxydatif

        - 15 lignées de cellules cancéreuses de mammifères

Ces cellules ont été soumises à des cycles de privation nutritionnelle  puis traitées par des anticancéreux.

Les chercheurs ont aussi utilisé un modèle murin de neuroblastomes  leur appliquant des cycles de privation nutritionnelle associés à la chimiothérapie. (Modèle murin : modèle d'expérimentation animale utilisant la souris).

Dans un deuxième temps, certaines de ces cellules tumorales actives ont été greffées sur des souris, à qui on a appliqué des cycles de jeûne.     

Résultats :

        - Sur des lignées de cancer du sein : après 48 heures de jeûne (24 heures avant et 24 heures pendant le traitement), le taux de survie des cellules tumorales passe de 100 % à moins de 30 %  [2]

         - In vivo, les chercheurs greffent chez des souris des tumeurs dont ils mesurent ensuite l'évolution. Dans le cas de tumeurs mammaires, les animaux jeûnent pendant deux cycles de 48 heures, séparés par huit jours d'alimentation normale. Un mois après, la taille de la tumeur se trouve réduite de moitié par rapport aux rongeurs nourris en continu [2]

         - Ces résultats s'avèrent encore plus spectaculaires lorsque les deux stratégies, jeûne et chimiothérapie, sont combinées : les souris présentent des tumeurs qui font à peine un quart de la taille de celles des souris témoins [2]

         - Même dans le cas de cancers métastatiques, pourtant les plus difficiles à combattre, de courtes périodes de jeûne potentialisent l'effet des chimiothérapies.

         - Dans le cas de neuroblastomes métastasés, 100 % des souris non traitées meurent avant 40 jours, contre 90 % de celles soumises à une chimiothérapie seule. A l'opposé, plus de 40 % des animaux ayant combiné deux cycles de jeûne et de chimiothérapie sont vivants trois mois après le début des traitements... [2] 

 

          Globalement, les auteurs estiment que les cycles de privation nutritionnelle étaient aussi efficaces que les agents anticancéreux pour retarder la progression de différentes tumeurs. Par ailleurs, ces cycles de jeûne ont permis une augmentation de l'efficacité des médicaments contre le mélanome, le gliome, et les cellules cancéreuses du sein.

Au niveau des cellules cancéreuses du sein, une privation nutritionnelle de courte durée entraine des modifications enzymatiques (en particulier au niveau de la Caspase) endommageant l’ADN des cellules cancéreuses qui finissent par déterminer une apoptose (suicide cellulaire).        

Conclusion des auteurs :

Ces études suggèrent que plusieurs cycles de jeûne favorisent une sensibilisation différentielle d’un large éventail de tumeurs. Cette méthode  pourrait potentiellement remplacer ou augmenter l'efficacité de certains agents de chimiothérapie dans le traitement de divers cancers.

 

     Explications :

      « Tandis que la privation de nourriture provoque un arrêt de la division des cellules saines, qui adoptent une "attitude de protection" face au stress oxydatif (la cascade de réactions induites dans la cellule agressée), les cellules cancéreuses, au contraire, activent des réactions qui amplifient les effets du stress dû au manque de nutriments. Ce qui, in fine, les affaiblit encore plus. » [2]

     Odile Capronnier dans son article paru dans S&V ajoute : « Les cellules tumorales activent des gènes spécifiques, les oncogènes, qui, dans des conditions normales, leur confèrent un avantage pour croître et se diviser très rapidement. Or, dans un milieu appauvri, ces oncogènes deviennent un handicap, certains d'entre eux empêchant la cellule cancéreuse de passer en "mode résistance" Ainsi, soumises aux cocktails de médicaments utilisés dans les chimiothérapies, les  cellules tumorales normalement nourries résistent bien ; tandis qu'affamées, elles deviennent beaucoup plus sensibles à la toxicité du traitement »

     En clair, l’efficacité du jeûne repose sur la différence de métabolisme entre les cellules saines, capables de s’adapter à la privation de glucose, et les cellules cancéreuses, qui en sont dépendantes.
L’association du jeûne avec les chimiothérapies anti-cancéreuses va amplifier l’effet cytotoxique de manière spécifique vis-à-vis des cellules cancéreuses.

Une courte durée du jeûne (2 à 3 jours) ne suffit pas à affaiblir l’organisme, mais suffit par contre à faire passer le métabolisme des cellules saines en mode de « diète cétogène » : les tissus n’utilisent plus le glucose pour fonctionner, mais les corps cétoniques issus de l’utilisation des réserves graisseuses (lipolyse). Or, selon Valter Longo, les cellules cancéreuses n’apprécient pas ce nouveau carburant !
A ce stade, l’arrivée des drogues anti-cancéreuses semble alors beaucoup plus préjudiciable pour les cellules cancéreuses que pour les cellules saines. Source :
M. Lallement  

N;B : En 2007 déjà David Servan-Schreiber chercheur en neurosciences dans son livre  Anticancer[  Ed. Robert Laffont] disait que « le cancer se nourrit de sucre », l’ingestion de  sucre induit une sécrétion massive d’insuline qui a un effet prolifératif reconnu. Il devient alors plausible qu’une restriction hydrocarbonée soit en faveur d’un blocage des cellules cancéreuses.           

     L’avis du pharmacien :

    Outre la revue Science et Vie, cette étude a été rapportée, entre autres, dans le journal Le Monde du 08/02/12 sous le tire  « Le jeûne, nouvelle arme de lutte contre le cancer ? ».

Par ailleurs, le travail de Valter Longo a été brillamment commenté par  Christian Linard Professeur à l'Université du Québec et Directeur du Laboratoire LSIA dans article intitulé « Le jeûne aussi efficace que la chimiothérapie pour lutter contre le cancer »   

On est ici loin d’une étude farfelue ; d’autant plus que ce travail n’est autre que la suite de plusieurs études antérieures (depuis 2008) du même auteur et de son équipe, entre autres :

- En 2009 : « Fasting and cancer treatment in humans: A case series report »   

- En 2009 : « Reduced Levels of IGF-I Mediate Differential Protection of Normal and Cancer Cells in Response to Fasting and Improve Chemotherapeutic Index »   

- En 2010 : « Fasting and differential chemotherapy protection in patients »       

- En 2010 : « Reduced IGF-I differentially protects normal and cancer cells and improves chemotherapeutic index in mice » 

- En 2011 : « Fasting vs dietary restriction in cellular protection and cancer treatment: from model organisms to patients »

- En 2011 : « Fasting and cancer treatment in humans: A case series report »

Si la véracité des résultats de cette étude est indéniable, des questions restent en suspens : Quelle est la durée optimale du jeûne? Ses bienfaits persistent-ils après la reprise d'une alimentation normale? 

      Pascal Pujol, cancérologue au CHU de Montpellier, reste prudent: "Ces résultats sont prometteurs. Mais avant de passer à l'application clinique, nous avons besoin de définir des stratégies précises. Faire jeûner un patient au cours d'un premier cycle de chimiothérapie ne semble pas trop risqué. C'est moins évident pour des patients atteints de cancers métastasés, déjà affaiblis par la maladie et le traitement." [2]

Il est clair que des études avec de grandes séries sont nécessaires pour, d’une part déterminer les stratégies à suivre et d’autre part, valider sur le plan clinique les résultats de l’équipe de Valter Lango.

En tout état de cause, ces études montrent que le jeûne peut avoir un intérêt sûr pour la santé, contrairement à l’avis d’un certain nombre de scientifiques, dont un exemple est à lire sur ce blog dans un article mis en ligne le 15/08/2011 intitulé « Le jeûne & la santé »        

Le jeûne entre réalité scientifique et approche irrationnelle :

    Ces résultats aussi préliminaires soient-ils, sont déjà exploités par diverses structures peu sérieuses médicales paramédicales ou de médecine alternative, en Russie et en Allemagne (entre autres) à des fins thérapeutiques et de bien-être avec des arguments du genre « détoxification du corps ».

Il faut savoir que le terme « détoxification » est un terme fourre-tout, qui devient un non-sens pharmacologique utilisé pour justifier tel ou tel cure ou remède.

Le Larousse rapporte uniquement le terme de détoxication : « Processus par lequel l'organisme inactive les substances toxiques d'origine interne ou externe. Il  se produit essentiellement dans les cellules hépatiques. » C’est un processus physiologique classique qui ne supporte aucune spéculation ou surenchère.

En principe le jeûne, du fait de la déshydratation, accentue même la concentration de diverses molécules (toxiques ou non) dans le corps, d’où le fait de déconseiller la pratique du sport et du jeûne comme on l’avait dit dans notre article « Le jeûne & la santé »    

      La réflexion de l’apothicaire : Et de la religion !

      La pratique d’une diète restrictive (jeûne) est largement diffusée dans plusieurs cultures (les Hounzas du Karakoram, les Abkhases du Caucase russe, ou en Équateur  …).

Dans les trois grandes religions monothéistes on retrouve bien entendu la pratique du jeûne, le taanit chez les juifs, le carême chez les chrétiens et le ramadan chez les musulmans, avec comme objectif global, indépendamment des rites, la pénitence et la recherche du pardon.

      Les protocoles de jeûne en cours d’étude par l’équipe par Valter Lango sont loin des pratiques religieuses. Dire que la pratique du ramadan prévient ou traite une maladie comme le cancer est un raccourci facile que n’hésiteront pas à prendre des personnalités d’obédience religieuse, mystique voire sectaire (irrationnelles par essence). Néanmoins, il pourrait être possible dans une certaine limite d’adapter les pratiques religieuses afin qu’elles répondent à des exigences avérées de prévention sanitaire.              

      Le ramadan : le paradoxe marocain  

Source-Olivier-Duval.jpg

      La pratique d’une diète restrictive (avec les rites afférents) peut être comprise à l’heure actuelle comme une contre-réaction vis-à-vis de la société de surconsommation dans laquelle on beigne aujourd’hui. En cela, le jeûne devient un concept réellement moderne à condition qu’il s’accompagne d’une baisse globale de la consommation autant alimentaire qu’énergétique. Cette baisse est en parfaite adéquation avec les préceptes religieux d’humilité et de modération … d’une part et d’autre part, avec le concept écologique de décroissance contrôlée  (certes discutable …) qui implique des économies d’énergie, d’eau et une baisse draconienne des déchets.

C’est tout le contraire qui se passe au Maroc en ce mois sacré (un sacré mois) où la consommation des ménages frôle l’hystérie. En effet, dans un article du journal L’Economiste [3], cette augmentation de la consommation est chiffrée à 1500,00 DH par ménage. Ce qui est énorme par rapport au niveau moyen de la population.

Cette augmentation n’a aucun justificatif religieux, c’est plutôt lié au fait que le marocain festoie pendant 30 nuits avec des orgies alimentaires nocturnes qui dépassent de loin le cadre de la compensation de la privation diurne !

Par ailleurs, cette augmentation de la consommation s’accompagne, comme le montrait un article du journal L’Economiste*, d’une baisse de la productivité industrielle. Autrement dit, on consomme plus et on produit moins. La baisse de la productivité industrielle, logique au vu du stress métabolique que subit le corps qui jeûne (en particulier au cours la première moitié du mois de ramadan), aurait put être sans conséquence si elle était corrélée à une baisse de la consommation. Sur le plan macroéconomique, cela va plus ou moins s’équilibrer, avec un bénéfice environnemental et sanitaire indéniable.

* les références exactes de cet article, nous les avons perdus malheureusement.  

Le ramadan, comme la majorité des autres pratiques religieuses au Maroc et ailleurs, est écrasé par le poids de rites rétrogrades, obsolètes, anachroniques et contre-productifs.

La religion est un besoin légitime, pour la majeure partie des populations. Ce besoin  répond à l’angoisse face aux incertitudes du futur et à l’incompréhension du fait présent ou passé. Il est le plus souvent exploité à des fins de politique politicienne. Néanmoins, et contrairement à ce que pensent les ultra-modernistes, cette soif peut être réorientée vers le progrès social à condition d’avoir suffisamment de clairvoyance et de recul par rapport au dogme. Cette clairvoyance paraît totalement absente des discours autant des curés, des rabbins que des imams.

     Conclusion générale :

      Le jeûne crée une situation de stress métabolique, et il n’est pas le seul dans ce cas. Un effort intense type semi-marathon ou encore le froid comme on l’a expliqué dans notre article « le froid rend-il malade ? » poussent le corps vers ses limites. A priori, soumettre l’organisme à ce genre de situations n’est pas bénéfique ; pourtant, les données actuelles nous laissent penser que quand ce genre de pratique est géré de façon rationnelle, le corps humain peut en tirer un bénéfice certain.

Dans le cas présent, la pratique du jeûne chez un cancéreux, doit être médicalement encadrée. Encore faut-il avoir des protocoles confirmés par des études cliniques avérées. En absence de ces études, la prudence reste de mise et en tout état de cause, dans la limite des connaissances actuelles « ne jamais arrêter une chimiothérapie ou une radiothérapie dûment prescrites ».  

Article initié par Dr Amine, Médecin généraliste

Relu et commenté par Dr Mouna, Pharmacienne d’officine

Rédaction Amster

Document annexe :

Une thèse de doctorat en médecine, remarquable, de l’université de Genève, soutenue en 2000, ayant reçu le prix Tissot en 2001 : DESHUSSES EPELLY, Florence Gisèle Suzanne « Suivi médical de 55 grévistes de la faim : enseignements et recommandations » fichier pdf de 91 pages. On vous conseil vivement de consulter l’abstract suivant de la dite thèse : « Jeûne et grève de la faim » qui montre avec beaucoup de clarté les mécanismes physiologiques d’adaptation du corps humain au jeûne.       

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P
<br /> J'atteste qu'il n'y a de dieux que Allah et que Mohammad est son<br /> messager.<br />
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