LECTURE OFFICINALE : LA CORTICOTHERAPIE CHEZ LE DIABETIQUE
Peut-on utiliser un
corticoïde
chez un diabétique ?
Source : H. Boutaleb, I. Adouan, H. El Ghomari A. Chadli, A. Farouqi*, Espérance médicale.mars 2009. Tome 16. n°156, pages 112-114.
*Chef de service d'endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques, CHU Ibn Rochd. Casablanca
Cette question mérite tout à fait d’être posée quand on sait que les corticoïdes sont d’une part des molécules diabétogènes mais elles sont, d’autre
part, d’une grande utilité voir l’unique recoure dans certaines pathologies qui touchent le diabétique
La réponse à cette pertinente question vient d’un article fort intéressant paru dans le n°156 de la revue « l’espérance médicale » du mois de mars 2009.
Effet hyperglycémiant et nature moléculaire des corticoïdes :
Tous les glucocorticoïdes peuvent induire une hyperglycémie, cette dernière dépend d’au moins 3 facteurs :
1- La structure chimique : les molécules oxygénées aux positions 11 et 17 (hydrocortisone) ont les effets hyperglycémiants les plus marqués. La prednisone aurait donc une action hyperglycémiante près de quatre fois supérieure à celle de l'hydrocortisone et 30 fois supérieure à celle de la dexamethasone [2,3].
A ce propos, on connaît classiquement la relation structure activité des glucocorticoïdes au sujet de leurs effets anti-inflammatoire et mineralocorticoïde. Cet article relève cette relation au niveau de l’effet hyperglycémiant même s’il ne donne pas un classement précis des corticoïdes en fonction de leur effet hyperglycémiant.
Les glucocorticoïdes |
Caractéristiques chimiques En rapport avec l’effet hyperglycémiant |
Cortisone Prédnisone Prednisolone Methylprédnisolone Hydrocortisone Triamcinolone Betamethasone Dexamethasone |
O en 11 et 17 et // en A O en 11 et 17 et // en A // en A // en A // en A // en A // en A // en A |
O : Oxygène // : Double liaison
2- l'effet hyperglycémiant dépendra des demi-vies plasmatiques : temps au bout duquel la concentration biologique a diminué de moitié
3- Il dépendra aussi des demi-vies biologiques : durée de l'inhibition de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien [2]. Ce dernier paramètre permet d'apprécier la durée d'action des glucocorticoïdes qui dépasse souvent la durée attendue en fonction de la demi-vie plasmatique (Tableau I).
Caractéristiques pharmacocinétiques des glucocorticoïdes communément prescrits [2] |
||
Dénomination commune |
Demi-vie plasmatique (mn) |
Demi-vie biologique (h) |
NATURELS (durée d'action brève) cortisol cortisone |
65-170 110 |
8-12 8-12 |
SYNTHÉTIQUE : Durée d'action intermédiaire Prednisone Prednisolone Méthyl-prednisolone |
200 200-225 120-200 |
12-36 12-36 12-36 |
SYNTHÉTIQUE : Durée d'action longue Triamdnolone Paraméthasone Bétaméthasone Dexaméthasone Cortivazol |
200-300 36-54 >300 190-320 > 300 |
12-36
36-54 36-54 >60 |
Comment gère-t-on un diabétique soumis à une
corticothérapie ?
1 - En prenant acte des paramètres pharmacologiques susmentionnés à
savoir la nature de la molécule et sa demi-vie biologique
2 - Les objectifs glycémiques seront adaptés en fonction de l'âge du patient, de la sévérité des complications dégénératives, de la durée prévisible de la corticothérapie et des risques de décompensation aiguë [2].
3 - L’information du patient (délivrée par le médecin et explicité par le pharmacien) : Le diabétique sera informé de :
- L'augmentation potentielle des taux glycémiques en début de traitement,
- De la stabilisation ultérieure de ce taux, voire de la diminution de l'insulinorésistance au cours de traitement.
- Il sera aussi sensibilisé au risque d'hypoglycémie en phase de sevrage thérapeutique.
Ceci va lui permettre de comprendre l'obligation d'adapter de son traitement antidiabétique. Cette adaptation est basée sur l'autocontrôle glycémique et sur les conseil diététiques.
L'éducation rappellera également les risques infectieux qui sont majorés par l'association diabète / corticothérapie. Le patient insulinotraité surveillera tout particulièrement les points
d'injection.
L’AUTO-CONTROL |
On préconise 4 contrôles de la glycémie par jour |
La surveillance de l'acétonurie sera régulière : Au réveil et si la glycémie est supérieure à 2.50 g/1 [2]. |
Les conseils diététiques chez un diabétique sous corticothérapie |
Les conseils concernant les glucides ne sont pas différents de ceux habituellement donnés. Cependant, au cours d'une corticothérapie, le régime doit être hyposodé, riche en protéines et en calcium, supplémenté en potassium, voire en vitamine D. |
4 - La prise en charge médicale proprement dite :
Note déontologique : Les pharmaciens, et encore moins les patients diabétiques, ne doivent en aucun intervenir à ce niveau, il s’agit de la responsabilité stricte du médecin traitant.
Chez le diabétique de type 1 : les auteurs préconisent d'augmenter les doses d'insuline, en particulier celles de la journée si la corticothérapie est administrée en une prise matinale. Les besoins insuliniques de fin de nuit ne seront majorés qu'en cas de corticothérapie à forte dose [1].
Chez le diabétique de type 2
Lorsque l'on dispose d'une marge thérapeutique chez un patient préalablement bien équilibré, le renforcement des mesures hygiéno-diététiques et le traitement antidiabétique oral
(metformine en particulier) peut s'avérer suffisant.
Lorsque l'équilibre glycémique initial est limité ou que la thérapeutique orale est maximale, le passage à l'insuline est souhaitable, parallèlement à l'instauration de la corticothérapie pour
éviter l'installation d'un déséquilibre glycémique majeur [1]
Le rôle de
l’officinal :
L’officinal ne pourra assurer
pleinement et parfaitement son rôle s’il n’a pas assimilé toute la complexité de cette situation. L’écoute du patient, une information fiable, et un dialogue professionnel avec le médecin
traitant sont les conditions nécessaires la réussite de ces traitements.
REFERENCES
1- Blickle J-F. Diabète
et corticothérapie. Rev Prat 2003:53.
2- Jannot-Lamotte M.F, Raccah D. Corticothérapie : comment adapter le traitement
anti-diabétique. Rev. Fr Endocrinol Chir 1999;40, Supp I.
3- Pandit M, Burke J, Gustafon A. Menocha A, Peiris A. Drugs- induced
disorders of glucose ditolerance. Annals of Internais Médecine, 1993;!18:529-39.
4- Charbonnel B, Boivineau C, Chopinet P, Danîsos J M, Brouin P, Durain D, Guyon F,
Passa Ph. Recommandation de l'ALFEDlAM. auto surveillance glvcémique chez le diabétique. Diabète et Métabolisme, 1996;
1:31-6.
5- Recommandation de l'ANAES 1999. Suivi du
patient diabétique du type 2 à l 'exclusion du suivi des complications. Diabète et métabolisme, 1999:25
6- American Diabètes Association. Self minotoring of blood glucose (consensus statement) Diabètes care I996;I9(suppl I):562. Endocrinol Chir 1999;40, Supp I.
7- Wechsler B. La corticothérapie générale et ses complications. Rev Prat 2000; 40(6):521-6.