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ARABISER OU REFRANCISER ?

1 Octobre 2012 , Rédigé par Amster Publié dans #REFLEXIONS

RÉFLEXION

ARABISER OU REFRANCISER ?

 

ARABISER-OU-FRANCISER-copie.jpg

 

 

            Ce texte est, en fait, un petit encadré qui accompagnait un excellent article du journal L’Economiste au sujet du coût de l’arabisation au Maroc.

Source : H. El Arif « Arabisation la facture trop cher » L’Economiste, n°3866, supplément Les cahiers de l’émergence, page XXX du 13/09/12 

Source image : The Dizzy Doser, photocomposition : PHARAMSTER 

 

Arabiser ou refranciser?

Plusieurs années plus tard, des experts pédagogiques appellent encore les pouvoirs publics à «refranciser» les matières scientifiques, tout en renforçant l'enseignement de l'arabe et des langues étrangères, en l'occurrence le français, comme langue de travail et l'anglais comme langue d'ouverture. D'autres, par contre, exhortent la tutelle à arabiser. «C'est trop tard», rétorque Abderrahman El Bouhmidi, professeur universitaire. «Depuis que le Maroc a adopté une nouvelle Constitution reconnaissant l'amazigh comme langue officielle et les cultures hassanie et hébraïque comme affluents de l'identité marocaine, il n'est plus possible d'arabiser. Les Amazighs pourraient réclamer aussi un enseignement dans leur langue», affirme El Bouhmidi. Petit bémol tout de même de Mohamed Darif, politologue et enseignant universitaire, à ce sujet «Il faudra attendre l'adoption de la loi organique et ses textes d'application avant de fixer les conditions d'utilisation de l'amazigh», précise-t-il. Refrancisation ou arabisation, là n'est pas la question. Il faudrait homogénéiser l'enseignement pour réduire la fracture entre l'enseignement bilingue dans le privé et l'enseignement arabophone

 L'avis de l'apothicaire :

        Ce débat pose en filigrane deux problèmes fondamentalement stratégiques pour le Maroc :  

       1- L’échec calamiteux d’une arabisation réclamée et appliquée de façon démagogique par le parti de l’Istqlal. Cet échec masque en lui-même l’hécatombe de l’enseignement public au Maroc. Cette hécatombe est, elle-même, à mettre à l’actif de divers acteurs politiques au Maroc.

La concomitance de ces deux échecs a engendré, et engendre encore, la perte de plusieurs générations de marocains, hypothéquant par là, la réussite de toutes les tentatives de développement humain. Mettre à genou le développement humain d’un pays, c’est le condamner à ne jamais pouvoir imaginer (même en rêve) l’émergence d’un système démocratique digne de ce nom. Pire encore, saper le développement humain d’un pays est un crime que seul l’Histoire est à même de juger les responsables.   

Si les disparitions et autres assassinats au cours des années de plomb ont été largement condamnés, le crime qu’a subi l’enseignement de générations de marocains, est passé dans le cadre normalisé de la politique politicienne. … Désolant          

       2- Cela saute aux yeux, cet encadré pose le problème de l’identité culturelle du marocain. On comprend rapidement que cette identité est d’une part complexe et d’autre part plurielle. Ces deux caractéristiques, qui auraient pu être, de toute évidence, une source de richesse, deviennent des handicaps majeurs dans une société marquée, pour de nombreuses futures générations, par le sous-développement catastrophique du facteur humain.      

 

       A noter qu’au milieu des années 80, une énième refonte des programmes de l’éducation nationale a visé particulièrement l’enseignement de la philosophie. Cette réforme a vidé cette discipline de sa substance et par la même occasion  a supprimé de l’enseignement tout ce qui concerne « ILMO ALKALAM » littéralement la science de la parole. Cette discipline, apparentée à la philosophie,  permettait à l’époque d’appréhender la religion musulmane, sans démagogie, à travers le prisme strict du savoir. ILMO ALKALAM permettait entre autres d’identifier, sans a priori, les diverses tendances et interprétations de la pensée islamique. A la place de « ILMO ALKALAM » l’apprentissage strict du dogme a été renforcé

      Conséquences : La rationalité dans le mode de pensée du jeune marocain a été marginalisée au profit d’un apprentissage dogmatique. Au bout d’une dizaine d’années, cette réforme a concouru à l’émergence d’une élite marocaine caractérisée par, ce qu’appelle feu Pr HAROUCHI, l’analphabétisme fonctionnel.

Cette stratégie n’était probablement pas le fruit du hasard, elle était dictée par les impératifs sécuritaires de l’époque. En effet pour en finir une fois pour toutes avec la gauche marocaine, qui était déjà sur la pente descendante, la solution optimale était de soustraire l’esprit rationnel de la pensée marocaine et de consolider le dogme, à travers l’enseignement mais aussi en ouvrant les portes au Wahhabisme. Tout cela a eu comme dégât collatéral, la radicalisation des mouvements religieux mais, à notre avis, la conséquence la plus catastrophique qui toucha la majeure partie des élites du pays (médecins, pharmaciens, ingénieurs, penseurs …) est la marginalisation de l’esprit rationnel qui touche non seulement le champ religieux (ce qui est normal) mais aussi la vie professionnelle, l’entreprise, la formation, les médias et même des choses de la vie de tous les jours comme la conduite d’un véhicule sur la voie publique.

Descartes n'est pas marocain, comme le titrait Philippe Brachet en 1982 avec comme sous-titre «  le développement du sous-développement au Maroc ». Certes, Descartes n'est pas marocain, mais il aurait pu le devenir si on avait mis en place une politique de l’enseignement qui visait la promotion de la raison et de l’esprit critique.

Et justement, la promotion de l’esprit critique c’est ce qu’on retrouve dans l’enseignement français au Maroc, qui malgré ses imperfections (et elles sont nombreuses) reste le seul système qui permet d’espérer l’émergence d’une très petite minorité de cadres dotés de ses bases. Reste que cet enseignement forme des élites qui sont le plus souvent déconnectées de la réalité socioculturelle et de l’Histoire du pays. Ce dernier n’arrive pas à en tirer un grand profit.

     Imaginez qu’un enfant en CM2 dans le système français est déjà mis en contacte avec les idées d’une personnalité comme Diderot, entre autre, célèbre auteur du livre « Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient ». Au même temps, dans l’enseignement secondaire marocain, on marginalise Averroès auteur du livre Tahafut al-Tahafut (incohérence de l'incohérence), et on insiste sur Al-Ghazâlî auteur en 1095 du livre Tahafut al-Falasifa (L'incohérence des philosophes). C’est ainsi que l’esprit critique et l’analyse rationnelle sont écrasés par le poids de l’esprit dogmatique.

Comment en vouloir à un médecin, à un pharmacien de ne pas avoir suffisamment de recul face aux affirmations du marketing ? Comment en vouloir à des hauts cadres du pays d’avoir une logique décisionnelle complètement irrationnelle ?                

L’enseignement au Maroc n’est rien d’autre qu’une série de gâchis à tous les niveaux.    

PS du 23 octobre 2012 :       

Un article* paru ce mardi 23 octobre 2012 dans le journal marocain LE SOIR Echos vient corroborer notre analyse.

En effet cet article rapporte les faits suivants : 

Mercredi dernier, faculté des lettres à Meknès. Il est 11 heures. Mustapha Merizak, professeur universitaire, donne un cours d’anthropologie à ses étudiants quand tout d’un coup près d’une vingtaine de jeunes interrompent d’une façon brutale le cours et envahissent la salle. « Ils m’ont dit qu’ils voulaient parler aux étudiants. Par respect, je leur avait accordé un moment. Ils ont fait un long discours pendant une vingtaine de minutes appelant les étudiants à adhérer à la grève. Aucun étudiant n’a voulu les suivre. Je leur avais alors demandé de sortir. Eh bien leur réponse était que c’est à moi de sortir. Ils m’ont insulté de tous les noms. Le même jour, un autre enseignant de sociologie a subi le même sort. Je pense que ces deux branches à savoir la sociologie et l’anthropologie dérangent les islamistes », raconte cet enseignant membre du SNESUP (Syndicat national de l’enseignement supérieur) et de l’OMDH.

Plus loin l’article donne le constat suivant du président de l’OMDH (Organisation marocaine des droits de l’Homme) :

«  Après la dissolution de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) par l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri, les islamistes intégristes se sont emparés de cette organisation », relate Mohamed Nechnach, président de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH). L’université devient un champ de bataille entre gauchistes et islamistes appartenant au mouvement Justice et bienfaisance (Al Adl Wal Ihsan) et des partisans du mouvement amazigh.

Pour nous c’est simple, c’est une stratégie de la terre brulée. Sauf que, ce qu’on a brûlé ici c’est l’enseignement de millions de marocains. Et au delà de l’enseignement au sens strict, ce qu’on a tué, c’est l’esprit critique et rationnel dans ce qui devait être les futures élites marocaines. Pire qu’un crime contre l’humanité, c’est un crime contre l’Histoire de toute une population.

Oui la sociologie, l’anthropologie … n’ont pas de place dans l’esprit primaire des extrémistes. Qu’ils soient gauchistes, islamistes ou amazighs (qu’on devrait appelés « amazighinistes »), lorsqu’on inscrit le dogme comme seul mode réflexion, on ne s’étonnera pas de récolter quelques années plus tard que de la violence et de l’inculture, non seulement dans les universités, mais dans touts les pans de la société depuis l’école jusqu’au stade de foot.                     

Source : Khadija Skalli « OMDH : Hale à la violence à l’université », LE SOIR Echos, n°1191, page 7, du 23/10/12.   

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K
Amster, puis-je utiliser votre photo pour un sujet de mémoire ?<br /> merci en avance
Répondre
A
Sans problème<br /> Merci de" l'avoir demandé et bon courage pour votre mémoire
E
le&quot; mode d'emploi&quot; de cette langue et son fonctionnement, vous sera familier, et vous découvrirez, ainsi, la facilité d'apprentissage de cette langue.
Répondre
A
Il n'y a pas plus de complexité dans la langue arabe que de n'importe qu'elle autre langue. La critique ici se base le fait que des décisions hautement stratégiques pour l'avenir du pays sont prises pour des raisons politiciennes ce qui explique en partie leurs échec.