LA PREVENTION DES CALCULS RENAUX
Cas d’officine
la prévention des calculs rénaux
Cet article fait suite à une demande d’explications et de conseils d’une patiente (Mme Zahra) qui a des calculs
rénaux récidivants et qui nous a présenté en plus une analyse d’un calcul urinaire où on notait comme conclusion : « Le calcul est
constitué essentiellement de phosphate ammoniaco-magnésiens ».
Le sujet des calculs rénaux et la prévention de leurs récidives nous est apparu intéressant à
développer, vu d’une part les multiples questions que cela soulève en officine et vu d’autre part les réponses souvent approximatives qu’on y apporte.
- Faut-il boire ou non de l’eau ?
- Est-il utile de prendre des boissons acides ou alcalines
?
- Quels aliments sont incriminés dans l’apparition
des calculs ?
Pour tenter d’y répondre on vous propose de en préciser dans un premier temps les différents types de calculs rénaux et sur cette base on vous proposera dans un deuxième temps une conduite à tenir face à cette demande en fonction des données actuelles disponible. En fin d’article un « BONUS » vous est offert à consommer sans modération.
Nos sources
1 - Manuel de nutrition clinique de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec,
http://www.opdq.org/extranet/manuel/opdqManuel/Library/Contenu/lithiases_urinaires/index.htm
2 - Le site de la société francophone de dialyse : http://www.sfdial.org/html/accueil.htm
3 - Rodman S. : Struvite stones. Nephron 1999;81 (suppl 1):50
4 - Heaney RP. Calcium supplementation and incident kidney stone risk: a systematic review. J Am Coll Nutr 2008;27(5):519-527.
Définition :
Les lithiases rénales, ou calculs rénaux, se définissent par la
formation de cristaux solides qui se logent dans les canaux du système urinaire. Normalement, des composés présents dans l’urine empêchent ces minéraux de s’agglomérer mais, dans certains cas,
ils se lient les uns aux autres et forment de véritables « pierres ». Toutefois, certaines mesures peuvent aider à prévenir ce douloureux problème.
Les lithiases rénales provoquent une douleur subite et aiguë, qui peut rapidement devenir intolérable et causer des vomissements. Cette douleur est la
conséquence du passage des cristaux dans les canaux urinaires dont le diamètre est beaucoup plus petit que celui des cristaux.
Cette
affection peut entraîner de la difficulté à uriner et du sang dans les urines. De plus, des dommages aux reins peuvent survenir ainsi que des infections urinaires, particulièrement chez les
femmes.
La cause exacte de l’apparition de calculs rénaux est encore mal connue. Globalement certains aliments peuvent promouvoir la formation de lithiases mais
uniquement chez les individus susceptibles d’en développer. Il est peu probable que les aliments puissent en entraîner chez ceux qui ne sont pas
prédisposés.
LES DIFFERENTS TYPES DE CALCULS
Calculs minéraux constitués de calcium
Ce sont les plus fréquents, ils représentent 7O- 8O% des calculs
urinaires. Cette famille comprend tous les calculs formés par l’oxalate de calcium (monohydraté ou
dihydraté) et/ou phosphate de calcium
L'augmentation du taux de calcium dans l'urine (hypercalciurie) est le facteur favorisant
principal.
- Les données scientifiques disponibles ne permettent pas actuellement d’établir un lien causal entre l’apport en calcium et les calculs
rénaux
- Au contraire un apport élevé en calcium alimentaire pourrait même être préventif des calculs [4]
Globalement pour ce type de calculs il n’y a pas de cause définie sauf dans le cas des pathologies qui déterminent une hypercalcémie et/ou une hypercaclciurie (hyperparathyroïdie, l’hypercalcémie paranéoplasique, la maladie de PAGET, la sarcoïdose etc.)
Calculs minéraux constitués de phosphates ammoniaco-magnésiens (ou Struvite)
La formation de ces calculs dit coralliformes, c'est le cas de notre patiente, est favorisée par les infections urinaires à germes uréasiques (Protéus, Pseudomonas, Klebsielle…) qui provoquent la précipitation de phosphate ammoniaco-magnésien (struvite) et de phosphate de calcium carbonaté.
Explication biochimique :
Le phosphate ammoniaco-magnésien est soluble dans l'urine à pH < 7. La concentration élevée en NH4 est le fait de la transformation de l'urée en ammoniac
sous l'influence de l'activité uréasique des bactéries Proteus, Klebsielles, Providencia, Pseudomonas, Serratia, Ureaplasma ureolyticum (mais pas Escherichia coli), entraînant une alcalinisation
des urines : l'élévation du pH diminue la solubilité du phosphate. Une simple mise en culture du calcul permet souvent de mettre en évidence la bactérie responsable.
Majoritairement c’est l'infection à Protéus mirabilis qu’on retrouve, et calcul entretient souvent l'infection, qui elle-même favorise la formation du calcul.
Ce type de calcul concerne des femmes dans environ 8O % des cas, surtout entre 2O et 35 ans. Cette lithiase infectée est facilitée par l'existence d'un obstacle sur la voie excrétrice. Ces calculs ne causent souvent que peu de symptômes, mais peuvent entraîner une destruction progressive et parfois totale du rein.
Le traitement spécifique des calculs coralliformes associe :
- Une antibiothérapie prolongée en cas de calcul persistant accompagné d'infection.
- L'ablation complète du calcul, indispensable pour éviter la récidive.
- Le traitement d'une
autre cause éventuelle
- L'acidification des urines
Les calculs organiques constitués d’acide urique :
Ces calculs sont particuliers car ils sont radio-transparents (c'est à dire qu'ils sont invisibles sur une radiographie standard), ils surviennent en cas de forte acidité des urines (pH<6), et surtout ils
peuvent être dissous, contrairement aux calculs minéraux calciques, par la simple alcalinisation des urines (diminution de l'acidité des urines). Cette donnée
montre l’importance de pratiquer l’analyse de la composition chimique des calculs rénaux.
Les calculs d'acide urique s'accompagnent dans 25 % des cas d'une hyperuricémie (qui peut être
responsable de la maladie de la goutte).
Le traitement spécifique des calculs d’acide urique associe :
- La diminution de l'acidité des urines (alcalinisation des urines). L’alcalinisation prévient la formation
des calculs, mais aussi peut dissoudre des calculs présents, même volumineux. L'objectif de l’alcalinisation est de maintenir le pH urinaire au-dessus de 7, matin, midi et soir. On utilise le
plus souvent pour cela des eaux de bicarbonatées : 1 à 2 litres par jour. Il faut contôler le pH urinaire par papier pH ou bandelette, 3 fois par jour au début, puis une fois par
jour.
- La diminution des apports protidiques (< 90 g/jour). comme pour la goutte
- L’augmentation des boissons (eau)
- Le traitement d’une éventuelle augmentation de l'acide
urique dans le sang (hyperuricémie).
Les calculs organiques constitués de cystine :
C’est un cas très rare, la cystine est un acide aminé très peu soluble. La cystinurie (la présence de cystine dans les urines) témoigne d’une maladie héréditaire entraînant la présence de cystine dans les urines, avec des calculs urinaires survenant souvent dès la puberté, et des antécédents familiaux de calculs à répétition.
Les calculs médicamenteux ou iatrogènes :
Toute substance médicamenteuse peu soluble en milieu aqueux est susceptible lors de son élimination par voie rénale de cristalliser dans l'urine et de former un calcul
Exemples :
- Sulfamides (BACTRIM, COTRIM, SULFAPRIM)
- Triamtérène (en ass. dans
Prestol)
- Vitamine C à forte dose (VITA C ou autre) : des doses supérieures à 1 g/ jour favorisent chez certains sujets
l'apparition de calculs uratiques, cystiniques et/ ou oxaliques
- Certains antiviraux utilisés dans le traitement du SIDA comme
l'indinavir…).
En pratique, on ne retrouve que rarement une cause directe à la formation des calculs
Prévention DES CALCULS rénaux
Dans la panoplie des mesures visant à éviter les calculs rénaux on retrouve globalement les règles hygiéno-diététiques classiques (boire de l’eau, lutter contre l’obésité …) avec quelques spécificités
Les attitudes à préconiser
1 - Eau :
En matière de prévention, il importe de boire suffisamment de liquide, idéalement de l’eau. Cette habitude aidera les reins à former de l’urine et à ainsi éliminer les minéraux et autres substances avant que ceux-ci aient le temps de précipiter et former des cristaux. Le fait de ne pas bien s’hydrater est la principale cause de calculs rénaux. Pour les sportifs il est fondamental de s’hydrater avant, au cours et après l’activité physique.
Une étude américaine a démontré que les gens qui habitent dans certains États américains du sud sont plus à risque de développer des calculs rénaux (presque le cas du Maroc). L’hypothèse suggérée? Le climat chaud et humide augmentant la sudation, il y aurait plus de danger pour les résidants de ces régions de souffrir de déshydratation et d’avoir des urines concentrées, ce qui augmente les risques de lithiases urinaires.
Buvez-vous suffisamment ?
La présence d’une urine foncée ayant une odeur prononcée est signe que vous ne buvez pas
suffisamment de liquide. Avec une hydratation adéquate, l’urine devrait être pâle et sans odeur.
2 - le surpoids :
Des chercheurs ont analysé les résultats d’études d’observation menées auprès de trois grandes cohortes américaines incluant des hommes et des femmes. Les résultats indiquent que plus
les gens sont en surpoids, plus ils sont à risque de développer des calculs rénaux.
En effet, les femmes en devenant obèses, ont jusqu’à 75 % plus de risque d’être atteintes, comparativement à celles qui n’ont pas pris de poids. Les hommes ne sont pas en reste puisque le même surplus de poids augmente leurs risques de 40 %. Rien de surprenant, étant donné que les personnes en surpoids excrètent davantage de calcium et d’oxalates par les reins, ce qui contribue au risque de lithiases
3 - Bien contrôler
sa glycémie
À partir de ces mêmes études de cohorte, les chercheurs ont également observé que les femmes pour lesquelles un diagnostic de diabète de
type 2 a été posé étaient plus à risque de souffrir de calculs rénaux, soit jusqu’à 60 % plus que celles qui ne sont pas diabétiques. La cause exacte de cette différence n’est pas connue, mais
les chercheurs suggèrent que la capacité des reins d’excréter l’acide est diminuée chez les personnes diabétiques, ce qui pourrait augmenter la formation de lithiases.
4 - Consommer suffisamment de
calcium
Dans plus de 75 % des cas, les calculs sont certes composés de sels de calcium (lithiases calciques). On a
longtemps pensé qu’un apport trop élevé en calcium pouvait être directement lié au développement des lithiases rénales, mais ce n’est plus le cas. D’ailleurs, un apport élevé en calcium
alimentaire pourrait même être préventif. Aucune raison donc d’abandonner les produits laitiers ou d’éviter les aliments riches en calcium. Si le calcium est pris sous forme de suppléments (en
cas d’ostèoporose), il est important de le prendre au cours du repas. [4]
5 - Les agrumes et les jus acides
Ces
derniers augmentent le contenu en acide citrique, lequel réduit le pH des urines facilitant la dissolution d’éventuels calculs.
ATTENTION :
1 - Ne pas utiliser le pamplemousse! En effet, des études d’observation indiquent que,
chez les consommateurs de pamplemousses, il y a davantage de lithiases urinaires. Pourquoi? Aucune explication n’a encore été avancée!
2- Ne pas préconiser en cas de calculs d’acide urique
Les attitudes à éviter
1 - Les oxalates :
Une grande consommation d’aliments riches en oxalates pourrait augmenter les risques de calculs rénaux chez certains individus. Il existe 8 aliments qui accroissent le taux d’oxalates dans
l’urine,
la rhubarbe, les épinards, les fraises, le chocolat,
le son de blé, les amandes, les betteraves
Le thé ne contient pas suffisamment d’oxalates pour qu’on l’élimine de
notre alimentation en cas de lithiases. Par ailleurs, le calcium contenu dans certains aliments se combinerait aux oxalates, empêchant ces derniers d’être absorbés dans le sang et d’être
éventuellement excrétés dans les urines.
2 - Le sodium :
Étant donné son effet sur la tension artérielle et sur l’élimination du calcium, il est recommandé de réduire sa consommation de sel. En effet, plus on consomme de sel, plus on augmente son
excrétion de calcium urinaire. On ne devrait donc pas dépasser un apport quotidien de 2,3 g de sodium, soit l’équivalent d’une c. à café (5 ml) de sel. Limiter les protéines d’origine animale
semble également efficace pour prévenir l’apparition de calculs rénaux.
3- Les suppléments de vitamine C :
2 000 mg par jour ou plus de cette vitamine augmente le niveau d’oxalates dans les urines, donc les risques de calculs rénaux. Les mégadoses de vitamine C sont donc déconseillées. Là il faut
attirer l’attention du consommateur sur la surconsommation d’acide ascorbique
LE BONUS
Pour terminer en beauté nous vous proposons
ces deux liens remarquables d’un excellent site canadien (comme d’habitude). Le 1er vous propose la composition exacte de la plus part de
nos aliments, le 2ème vous donne à partir d’une molécule les aliments qui la contiennent. Il s’agit à notre avis d’un excellent outil
simple d’utilisation pour le praticien et le patient afin de diffuser une information fiable et rigoureuse en matière de nutrition (Cliquer sur les mots pour visualiser).
Post-scriptum du 29/03/10
Suite à un entretient de prés de 45mn avec une parente de la patiente ZAHRA B, pour lui expliquer l’analyse qu’elle nous a présentée, les éléments suivants nous ont été révélés :
- Zahra a été opérée dans une structure de santé publique, et on vous passe les détails des conditions lugubres dans lesquelles s’est
déroulée l’opération et l’après opération, conditions matérielles désastreuses pour le chirurgien et inhumaines pour le patient.
- La demande de l’analyse chimique présentée des dits calculs rénaux n’a pas été demandée à l’hôpital, c’est en fait la parente de la patiente qui a
insisté pour la faire. En absence d’ordonnance médicale les quatre 1ers laboratoires ont refusés, le cinquième a accepté de justesse !
- A l’hôpital on lui a conseillé d’éviter le lait et les laitages …, de retour à son domicile la patiente ne s’alimente alors que du minimum, de peur de
retomber dans le calvaire qu’elle a vécue
L’avis du pharmacien : (de bonne foi, sauf erreur ou
omission)
Sans vouloir outrepasser nos prérogatives officinales, au vu des données en notre disposition, on peut considérer qu’après toute opération sur les calculs rénaux. L’analyse chimique de ces derniers est fondamentale
pour établir un suivit post-opératoire efficient et rationnel.
Dans l’idéal à notre sens, juste après l’opération, le malade
étant encore alité, le calcul doit être immédiatement analysé au niveau chimique et si c’est un calcul phosphate ammoniaco-magnésien une étude bactériologique doit être enclenchée avec un
antibiogramme. Le biologiste devrait considérer le calcul rénal comme un matériel biologique vivant et non uniquement un simple minéral.
L’analyse du calcul étant faite, l’information du patient au sujet de la prévention des récidives devrait débuter à l’hôpital, l’officinal quant à lui aura le devoir d’affiner et de consolider ces informations et faire un suivi de proximité de part sa facilité d’accès.